Les 7 mercenaires

5/09/2023 | Analyses d'Elkano AM

Dans le prolongement de notre chronique du mois de juillet, intitulée « Le bon, la brute et le truand », nous restons pour cette rentrée dans la thématique du western avec les « 7 mercenaires » !

Le film de John Sturges raconte l’histoire de sept cowboys recrutés par des villageois mexicains pour défendre leur village d’une bande de maraudeurs (ndlr : le film est une adaptation des sept samouraïs de Kurosawa). Son titre français « Les sept mercenaires » nous semble d’ailleurs être un reflet un tantinet plus réaliste de l’histoire que le titre américain « The magnificient seven ». Ce dernier, plus clinquant, est probablement le fait d’un casting exceptionnel pour l’époque : Mc Queen, Brynner, Bronson, Wallach, Coburn…

Mais nous n’allons pas parler plus longtemps de cinéma ici et si nous avons choisi ce titre, c’est que « The magnificent seven » est également le surnom accolé aux sept titres qui survolent la bourse et tirent les indices américains vers le haut depuis le début de l’année. Vous aurez bien évidemment reconnu Apple, Amazon, Google, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, un casting tout aussi exceptionnel !

Revenons un petit peu en arrière…

L’année 2021 avait vu une hausse généralisée de toutes les valeurs technologiques, y compris les plus spéculatives. Puis, l’exercice suivant s’était révélé nettement plus calamiteux pour l’ensemble du secteur avec certaines valeurs voyant leurs cours baisser de 75% comme ce fut le cas pour Tesla et Meta. A partir de décembre 2022, l’ensemble des secteurs boursiers ont entamé un rebond qui a été relativement homogène jusqu’à la fin du mois de mars de cette année. Une première rupture est ensuite intervenue avec les faillites bancaires américaines qui ont pesé sur l’ensemble des valeurs de ce secteur ainsi que sur les petites capitalisations. Ensuite, au cours du mois de mai, les très bons résultats de Nvidia et l’attention portée au secteur de l’Intelligence Artificielle (IA) se sont traduits par une accélération significative de la trajectoire boursière de ces sept valeurs.

Une situation paradoxale pour deux raisons

D’une part, la plus importante d’entre elle (Apple) est quasi absente de l’IA et d’autre part, les autres valeurs spécialisées dans l’IA, après s’être enflammées initialement, sont presque toutes revenues à leur point de départ. Il semblerait donc que les investisseurs ne fassent plus confiance qu’aux Méga Tech (aux poches profondes) pour surfer sur la vague de l’Intelligence Artificielle.

Une trajectoire exceptionnelle qui génère un risque

Néanmoins, la trajectoire commune de ces sept titres a abouti à un résultat exceptionnel : ils pèsent désormais presque 29% du S&P 500 et atteignent le poids des marchés boursiers anglais, chinois, japonais et français réunis dans l’indice MSCI World. Au 31 août 2023, La hausse pondérée de ces titres s’élève à environ 50% depuis le début de l’année et explique les trois quart de la hausse de l’indice américain tandis que les 493 autres valeurs se partageant une hausse moyenne de 4%.

Cette concentration inhabituelle de la performance boursière sur une poignée de valeur nous semble être un symptôme de fragilité pour les marchés. En effet, au-delà des discussions sur la trajectoire de l’économie et des politiques monétaires, cette situation génère un important risque spécifique lié à chacun de ces titres qui peuvent peser à tout moment sur la cote.

Des faiblesses potentielles qui pourraient menacer ces stars du marché

Sans passer en revue l’ensemble des titres, les résultats publiés en août ont révélé quelques faiblesses potentielles qui pourraient menacer ces stars du marchés et notamment deux titres emblématiques que sont Apple et Nvidia.

Concernant Apple, le risque principal semble être l’absence totale de relais de croissance : le lancement de l’Apple Vision Pro, son premier casque de réalité mixte, ne semble pas être une grande réussite et les ventes publiées en août affichent un troisième trimestre de baisse consécutif. Le chiffre d’affaires de l’exercice 2023, qui se clôture en septembre, devrait aussi être en baisse par rapport à 2022. Les analystes comptent sur le lancement de l’IPhone 15 pour remettre un peu de vent dans les voiles. Cependant, avec un chiffre d’affaires de 383 milliards de dollars, il faudra plus qu’un renouvellement réussi de la gamme pour retrouver une croissance long terme significative et compatible avec un cours valorisant la société à 32 années de bénéfices. La réaction à la dernière publication a d’ailleurs été plutôt négative avant que le titre ne se reprenne sur la fin du mois. L’absence de reprise significative pourrait selon nous finir par peser sur la cotation de la plus grande capitalisation mondiale.

Concernant Nvidia, la croissance était clairement au rendez rendez-vous lors de la publication des résultats en août avec un chiffre d’affaires qui a plus que doublé d’un trimestre sur l’autre. Mais pour l’enfant chéri de l’IA, le niveau de valorisation « stratosphérique » (35 fois les ventes et plus de 120 fois les bénéfices annuels) exige une totale absence de doute. Or, le manque de transparence dont fait preuve la société sur un certain nombre de questions importantes (montant de commandes chinoises face au risque d’embargo décrété par le gouvernement fédéral, relations avec une obscure société américaine qui vient de passer une commande équivalente à un quart du chiffre d’affaires trimestriel) ont soulevé des interrogations qui expliquent le fait que le titre ait ouvert en hausse de 11% le lendemain de la publication pour finalement terminer la séance dans le rouge.

Les mercenaires sont comme le vent et ne font que passer

A la fin des « Sept mercenaires », deux des trois survivants quittent le village et disent au revoir à l’ancien. Ce dernier leur dit que seuls les fermiers ont gagné et que les mercenaires sont comme le vent et ne font que passer. Comme tant de leurs prédécesseurs dans les dix plus grosses capitalisations mondiales (seul Microsoft ayant réussi l’exploit d’être présent dans ce classement à 20 ans d’intervalle), les sept d’aujourd’hui ne font probablement que passer.

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