Dans la scène finale de ce film, qui se déroule dans le cimetière de Sad Hill, on assiste à un duel à trois : pendant de longues secondes, le réalisateur Sergio Leone alterne, au son de la musique d’Ennio Morricone, des plans de plus en plus serrés des trois protagonistes passant incessamment de l’un à l’autre. Avis aux fans : le lieu du tournage, situé dans la province espagnole de Burgos, est ouvert à la visite. Le western spaghetti des années 70 avait en réalité un arrière-gout de paëlla.
Le contexte de marché, observé lors de ce premier semestre 2023, nous fait fortement penser à cette scène avec un basculement permanent entre trois scenarii plutôt opposés concernant l’évolution des marchés. Dans cette note nous allons donc rappeler les implications de ces trois scenarii et déterminer la vision qui nous parait dominante à l’heure actuelle.
« Le scenario récessionniste est clairement sous-estimé par le marché. Le juge de paix sera le marché de l’emploi américain dont l’évolution sera fondamentale. »
Gilles Etcheberrigaray
Président & Directeur des investissements
DES MARCHÉS PARTAGÉS ENTRE TROIS SCENARII OPPOSÉS
L’atterrissage en douceur : baisse de l’inflation et stabilisation de la croissance
Dans ce scenario, les mesures prises par les banques centrales se révèlent efficaces pour contenir l’inflation sans entraver significativement la croissance économique. Les marchés financiers réagissent positivement, avec une réduction de l’incertitude et une augmentation de la confiance des investisseurs. Les marchés actions peuvent connaître des gains modestes mais plus prononcés sur les valeurs technologiques qui bénéficient des perspectives de baisse des rendements obligataires. Dans l’ensemble, ce scenario conduirait probablement à une transition en douceur vers une trajectoire économique plus durable.
Pas d’atterrissage : l’inflation est plus tenace que prévu, les taux courts continuent d’augmenter
Dans ce scenario l’inflation baisse mais s’avère plus tenace que prévu. Les banques centrales se voient contraintes de poursuivre l’augmentation des taux d’intérêt pour lutter contre la hausse des prix. Ce scenario pourrait entraîner une volatilité accrue sur les marchés et une incertitude croissante.
Les marchés actions pourraient connaître des corrections et les valeurs cycliques seraient à privilégier. Les rendements obligataires pourraient augmenter davantage. Ceci correspond à une poursuite du scenario du début de l’année 2022 mais en beaucoup moins brutal.
Atterrissage brutal : chute de la croissance et baisse important des taux
En cas d’atterrissage brutal provoqué par la hausse des taux, la croissance économique mondiale connaît une forte baisse. Cela pourrait être déclenché par un défaut important ou bien le ralentissement brutal de secteurs économiquement importants (immobilier et automobile notamment). Les marchés financiers réagiraient probablement de manière négative, avec de fortes baisses sur les marchés actions, une volatilité accrue et un afflux vers des actifs refuge tels que les obligations d’états et l’or.
LA PRÉDOMINANCE DU SCENARIO « HIGHER FOR LONGER »
A l’issue de ce semestre, il apparait que l’absence d’atterrissage, aussi connu sous le vocable « higher for longer » qu’on pourrait traduire par « des taux plus hauts pour plus longtemps », porté par un marché de l’emploi américain extrêmement robuste est la tendance dominante à l’heure actuelle. Elle est néanmoins mâtinée d’une bonne dose de bulle technologique sur l’intelligence artificielle qui permet aux grands indices d’afficher des performances enviables et aux valeurs technologiques de surperformer les valeurs cycliques ou value (alors que l’inverse devrait être observée notamment du fait du rebond haussier des taux obligataires). Il nous semble clair que la bonne tenue de la consommation américaine, en dépit d’un léger ralentissement cyclique, a été une surprise au cours des derniers mois. Comme pour beaucoup de variables économiques affichant des évolutions parfois surprenantes, il est fortement probable qu’il s’agisse de vestiges de la période Covid : les ménages américains ont entrepris de dépenser, avec un enthousiasme certain, l’épargne forcée accumulée lors de la période précédente. Mais, au rythme actuel, cette épargne devrait être épuisée en septembre et il sera alors temps de constater si une évolution divergente se dessine.
LE SCENARIO RÉCESSIONNISTE LARGEMENT SOUS-ESTIMÉ
Néanmoins, la piètre performance des matières premières (à l’exception de l’or) et la persistance d’une courbe des taux extrêmement inversée nous laissent penser que le scenario récessionniste est clairement sous-estimé par le marché. Le juge de paix entre les deux scenarii est connu : il s’agit du marché de l’emploi américain dont l’évolution sera fondamentale pour déterminer le scenario qui finira par s’imposer.
Dans ce contexte, notre positionnement est de combiner une exposition défensive sur la partie monétaire et obligataire corporate courte et de bonne qualité, qui est extrêmement bien rémunérée en euro et en dollar, avec une exposition plus risquée et très sélective aux actions. Nous privilégions ainsi les actions japonaises couvertes (une des bonnes surprises de ce début d’année) ainsi que les valeurs cycliques qui, si le marché haussier devait se poursuivre, devrait très certainement rattraper leur retard.